lundi 23 mai 2005 par Georges Nérin
Ces derniers mois ont été riches de nouveautés pour le commerce de proximité à Joinville : ouverture de nouveaux commerces sur l’avenue Gallieni (Monceau Fleurs, Tendances et Traditions, etc.), remplacements heureux de commerces de bouche sur la rue de Paris, arrivée de l’enseigne Franprix, de W Vélo, et départ de la librairie/papeterie qui nous a tous mis en émoi.
Chaque départ d’un commerçant de qualité est un coup dur pour les Joinvillais et un combat pour la Municipalité qui s’efforce, autant que possible, de sauvegarder la diversité commerciale et de faciliter l’arrivée de commerçants sur le même secteur d’activité. Ce fut le cas, rue de Paris, pour la boucherie et le charcutier - traiteur (et nous espérons aboutir prochainement à l’ouverture d’une librairie/presse).
Un constat préoccupant en France
La disparition des petits commerces dits de « proximité », et notamment les commerces alimentaires, est un phénomène qui touche toutes les villes françaises. Ainsi, entre 1994 et 2003, Paris a perdu un millier de commerces de proximité. Les magasins de journaux, les boucheries, et les poissonneries sont les activités les plus touchées. En revanche les traiteurs asiatiques, les agences immobilières et les établissements bancaires se développent de manière exponentielle.
Joinville ne fait pas exception et ne ménage pas ses efforts, avec les commerçants, pour maintenir une offre diversifiée et de qualité. Les marchés sont également partie prenante de ce commerce de proximité. Mais, lorsque cette diversité disparaît et laisse place à la mono activité (agences immobilières, banques, traiteurs asiatiques, etc.) c’est tout un centre ville qui s’asphyxie car le commerce c’est la vie.
« Pour prospérer, un pôle alimentaire doit avoir une certaine densité et offrir de la variété. Dès lors que le mitage commercial commence à affecter une rue marchande, cette perte de densité se traduit par une perte d’attractivité » remarque J. Coste, chargée d’étude au Centre Régional d’Observation du Commerce, de l’Industrie et des Services.
Seuls les commerces réalisant une marge importante (optique, mode, loisir, etc.) peuvent faire face à la flambée des baux commerciaux laissant la place à la mono activité, et l’uniformisation de l’offre de service. Deux grandes tendances marquent Paris et la petite couronne : la concentration des circuits de distribution à travers l’accroissement des enseignes et le développement des « maxi discounter ».
Un retour au commerce de proximité ?
L’apparition des structures de la grande distribution en libre service dans les années soixante (supermarchés, hypermarchés puis centres commerciaux) correspondait à un concept de massification de la consommation basée sur la philosophie du « plaire à tous ».
Le vieillissement de la population, le desserrement des familles et une nouvelle organisation du travail ont profondément changé les attentes du consommateurs. Les clients d’aujourd’hui cherchent la flexibilité de pouvoir faire leurs courses quand et où ils souhaitent, et une solution personnalisée à leurs besoins. C’est la philosophie du « plaire à chacun ».
Les signes économiques sont donc sans appel : la grande distribution montre des signes d’essoufflement. Pour autant, elle devrait rapidement s’adapter.
Arnaud Gouaille, Responsable de la coordination Commerce et Politique de la Ville à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, explique que « pour avoir une chance de tirer parti du fléchissement de la grande distribution, le commerce de proximité doit se remettre en question. Les détaillants doivent se professionnaliser, et surtout s’unir. Pas seulement pour financer des animations commerciales, mais pour mutualiser leurs efforts en vue d’attirer les clients et de promouvoir le commerce plaisir par opposition au commerce prix bas ».
Lors de l’étude sur les commerces de la rue de Paris réalisée par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) pour le compte de la SEMA (Société d’Economie Mixte et d’Aménagement) de Joinville un certain nombre de points faibles ont été mis en évidence : la circulation et le stationnement, mais aussi, les ruptures importantes dans l’alignement des commerces (présence de « dents creuses »). Il nous appartient de trouver des solutions dans le cadre de la réhabilitation des Hauts de Joinville. Quoi qu’il en soit, la Mairie de Joinville s’est opposée et continuera à s’opposer à l’implantation d’une grande surface en centre ville. La vocation de Joinville n’est pas d’offrir des surfaces très importantes de type « supermarché ».
Le rôle des supérettes
Emblématiques de ce retour à une certaine proximité, les supérettes poussent comme des champignons.
Philippe Moati, Professeur d’Economie à l’Université Paris VII et Directeur de recherche au CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), indique qu’il faut « cesser d’opposer commerce indépendant et grandes enseignes. Si le commerce de proximité reprend un peu de vigueur, c’est en grande partie grâce au retour des supérettes. ». Les supérettes permettent de fixer les consommateurs dans leur quartier, les dissuadant de fuir vers un pôle périphérique. Cet effet permet aux supérettes de jouer un rôle de centralité pour les autres commerces.
Le côté négatif : elles récupèrent des parts de marché aux commerces alimentaires qui doivent, pour résister, cultiver leur différence (la qualité de service, la convivialité, l’originalité de l’offre et de la présentation) tout en surveillant leurs prix.
Commerce et accessibilité
L’adage américain pose la problématique : « No parking, no business ! ». Sans stationnement, pas de commerce.
Pourtant, Patrick Carles, Consultant au sein du cabinet Sareco (Ingénierie et conseil en stationnement) se veut optimiste. Il explique que « non seulement les consommateurs acceptent de mieux en mieux l’idée de marcher quelques mètres pour faire leurs courses, mais ils ne rechignent plus à se garer dans les parkings souterrains ». Il souligne que la question du stationnement n’est trop souvent abordée que par le biais d’idées fausses.
La première, selon Patrick Carles, étant qu’il n’y aurait pas assez de places de stationnement dans les centres-villes. « Faux : le problème, c’est que le stationnement sur voirie est mal réglementé : les "bonnes" places sont accaparées par les commerçants et les résidents. De plus, les tarifs ne sont pas assez incitatifs : il n’est pas logique que l’heure de stationnement dans un parking soit plus chère que l’heure de stationnement sur la voirie. ». Voilà de quoi faire méditer les commerçants, volontiers enclins à mettre les questions de stationnement et d’accessibilité au premier rang de leurs préoccupations.
Stéphane Merlin, Directeur associé du cabinet SM Conseil-Pivadis, souligne que « les flux de clientèle viennent de tous modes de transports » et rappelle qu’« il y a une certaine mixité des modes d’usage à trouver pour que la centralité soit un lieu de vie, et que les gens ressentent un plaisir à être dans des espaces où ils peuvent se mélanger. »
Contrôler le commerce : les outils limités des Communes
Les outils réglementaires dont dispose une Commune pour freiner ce phénomène sont minces et se heurtent au principe de la liberté d’entreprendre. Un Conseil municipal, et a fortiori un Maire, ne peut pas s’opposer à la cession d’un commerce (il ne peut en aucun cas préempter un fonds de commerce) ni à un changement d’activité sauf s’il ne respecte pas le Plan Local d’Urbanisme. Dans le cadre de la Commission Départementale d’Equipement Commercial (quand le seuil de 300 m² est dépassé), le Maire peut d’une part user de son droit de vote, et d’autre part influer sur les avis de la commission en élaborant un SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) en intercommunalité. Un refus d’implantation doit cependant être clairement motivé et une procédure d’appel existe. La Commune peut cependant, et c’est ce que fait Joinville, faciliter l’installation des commerces.
Le PLU peut interdire certaines activités parce qu’elles ne sont pas compatibles avec la vie de certains quartiers. La question plus fondamentale est celle des changements de destination.
Lors des débats parlementaires relatifs à la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (loi SRU), la sauvegarde de la diversité commerciale des quartiers avait été évoquée et définie comme une priorité d’intérêt général. Le projet de loi prévoyait de soumettre à une autorisation administrative tout changement de destination d’un local commercial ou artisanal entraînant une modification de la nature de l’activité. C’était donner au Maire un outil très important pour garantir la diversité commerciale. Le Conseil Constitutionnel a estimé qu’il y avait là « une atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre ». Cette disposition, considérée comme non conforme à la Constitution, a été supprimée.
Pourtant, la ville de Paris a décidé, dans le règlement de son projet de PLU, d’interdire les changements de destination des activités commerciales et artisanales.
« Au-delà des questions juridiques fondamentales, notamment au regard du droit à la propriété privée, du droit des baux commerciaux et de la défense de la liberté d’entreprendre », la CCIP, dans son avis sur le projet de PLU de Paris ; « s’oppose à l’introduction d’un tel dispositif dans un règlement de PLU. » Elle estime que « ce dispositif restreindra la possibilité des commerçants de céder leurs fonds, notamment au moment de partir en retraite, et contribuera à ralentir le processus de renouvellement des locaux par des activités certes ni commerciales ni artisanales mais de nature à conserver un certain dynamisme au quartier concerné. »
Nous attendons vos réflexions sur ce sujet fondamentalement important pour notre ville. Participez aux prochaines réunions de quartiers sur le Plan Local d’Urbanisme, téléphonez ou écrivez à la Mairie.
Préparons ensemble l’avenir de notre ville !